L’étranger de Camus, un personnage insensible mais attachant
Certes, la lecture de romans comme ceux de Yasmina Khadra est bénéfique pour améliorer ses connaissances linguistiques, mais le roman n’a pas seulement cette seule fonction. Je ne peux lire un roman juste pour la beauté de la langue utilisée. «La langue est la chose qu’on doit oublier aux lecteurs», disait Kamel Daoud lors d’une émission diffusée sur France 5(C L’hebdo)
Cependant, en lisant Khadra, je n’ai pu oublier la langue qu’il utilise. D’ailleurs, je ne pensais qu’à ça. Je faisais la navette entre le roman et le dictionnaire. «Ce que le jour doit à la nuit» m’a rendu un dictiopathe. Les mots difficiles de Khadra étaient comme des dos-d’âne qui réduisent le plaisir de la lecture. À la page quarante, j’ai mis un terme à la lecture de ce roman qui a duré plus d’un mois. Oui, un mois, c’est peu si on compte le nombre de «dos-d’âne» que j’ai rencontrés. Je suis resté une très longue période loin de tout ce qui est lecture des romans. Et, à chaque fois que mes amis me parlaient d’un roman, je répondais que je n’éprouve aucun plaisir en lisant les romans. J’utilisais souvent cette expression : «Les romans ne sont pas ma tasse de thé» jusqu’au jour où je suis tombé sur cette phrase : «Aujourd’hui, maman est morte, ou peut-être hier, je ne sais pas» et c’était le choc, car elle était à la fois drôle, moitié douloureuse et très décalée. Vous avez compris de quel roman je parle ? «L’Étranger», roman philosophique d’Albert Camus, le visage emblématique de l’école d’Alger. Cette phrase qui est connue comme l’acte de naissance de Camus le romancier et aussi comme une déclaration d’amour d’un jeune journaliste au quotidien «Alger républicain» à la littérature algérienne, francophone et universelle. Cette phrase, ses spécificités et ses caractères m’ont poussé, d’une manière inattendue, à tomber amoureux de la littérature de l’absurde et m’ont noyé dans la mer des romans philosophiques. L’étranger est un roman problématique devisé en deux parties. Il commence par l'annonce de la mort de la mère du narrateur, par télégramme. Le narrateur, M. Meursault, part donc à Marengo (Hadjout actuellement) à l'asile de vieillards où sa mère était placée, pour l'enterrement de celle-ci. Le narrateur nous raconte alors les étapes de son voyage, c'est ainsi que nous faisons «connaissance» de ses deux amis : Céleste qui tient un restaurant où il a l'habitude de se rendre ; et Emmanuel chez qui il se rendra pour lui emprunter une cravate et un brassard noir pour l'enterrement. Une fois à l'asile après deux heures de bus, le narrateur fait lui connaissance du directeur et du concierge. On apprend à ce moment-là les raisons du placement de la mère dans cet asile, à savoir que son fils ne pouvait subvenir à ses besoins. On assiste ensuite à la veillée, où le narrateur rencontre tous les «amis» de sa mère. Après l'enterrement, le narrateur rentre et décide d'aller se baigner où il y rencontrera Marie Cardona, une ancienne dactylo de son bureau dont il était tombé sous le charme, ce qui était réciproque. On fait ensuite connaissance avec ses voisins : Salamano, toujours avec son chien, et Raymond Sintès, deuxième protagoniste de l'histoire car la deuxième intrigue se déclenche avec lui. Raymond demandera au narrateur de devenir son ami, et qu'il rédige alors une lettre adressée à son ex-maîtresse de qui il veut se venger. La lettre déclenchera toute la tragédie du roman, puisque la femme va venir rendre visite à Raymond, qui la battra sous motif qu'elle lui manque. Suite à cet excès de violence, un des frères de la jeune femme, va se mettre à suivre Raymond. La deuxième partie du roman en quelque sorte commence ici : le narrateur et Marie sont invités par Raymond à aller dans une banlieue d'Alger, chez un de ses amis prénommé Masson. Et en se baladant sur la plage, les 3 hommes vont croiser les 3 arabes dont celui qui suit Raymond. Il y aura une altercation durant laquelle Raymond se fera taillader le bras ainsi que la bouche. Le narrateur s'en ira seul, un peu plus tard, refaire une ballade sur la plage et il y recroisera l'un d'eux à nouveau, qui le menacera de son couteau. Meursault aveuglé par le soleil et fatigué par la chaleur, pressera la détente du revolver enlevé plus tôt à Raymond pour éviter un meurtre, et tuera l'arabe de 4 balles. Suite à cet acte, Meursault sera arrêté et mis en prison. Son avocat commis d'office reviendra sur son comportement à l'enterrement de sa mère. Comportement qui révélait une insensibilité. Marie quant à elle, sera interdite de visite, n'étant pas sa femme. Le narrateur, avec le temps passé en prison, saisira l'ampleur de la punition qu'elle représente, à savoir l'absence et la privation de liberté (la privation des femmes ou encore du tabac). Pour combattre l'ennui, il se met donc à se souvenir et comprend que ce passé peut le sauver. Le procès se déroule avec toutes les personnes que Meursault a pu connaître, à savoir ses voisins : M Salamano, Emmanuel et Raymond, l'ami de sa mère Thomas Perez, le directeur et le concierge de l'asile, et Marie. Ils sont notamment là pour confirmer l'insensibilité de M. Meursault à l'enterrement de sa mère. Cependant, personne n'acquiescera vraiment les dires de l'avocat, ils iront même jusqu'à le défendre, en louant son amitié et ses services. À la fin de son procès, Meursault se voit attribuer la peine capitale. Pour la première fois, il ressent vraiment quelque chose. Le narrateur se rend alors compte de son amour pour Marie et en opposition avec le début du roman, seules Marie et sa mère sont dans son esprit. La vie de l'auteur n'est pas sans différence avec la vie du personnage principal de ce roman puisqu'aucun des deux n'a connu son père, ou du moins dans le roman nous n'avons aucune information sur celui-ci, et Albert Camus, tout comme M. Meursault a vécu à Alger. J'ai remarqué que le personnage principal avait une manière très enfantine de parler, il appelle par exemple sa mère «maman». Ce qui pourrait supposer qu'il lui est très attaché, pourtant, quand il l'a placée à l'asile, il a cessé d'aller la voir et a fini par la laisser tomber. Lors de son enterrement, il refusera même pour la dernière fois de la voir, en refusant de voir son corps. Le narrateur paraît donc complétement détaché de la situation morbide dans laquelle il se trouve, et détaché de sa mère, puisqu'il pense plutôt à visiter la région, et va jusqu'à juger sa mère responsable de cet empêchement... Sa mère lui apparaît donc comme un obstacle. Meursault est quelqu'un de solitaire, il vit seul, n'est pas très attaché aux gens, et reste passif à tout. Comme dit durant son procès, Meursault paraît faire preuve d'insensibilité : auprès de sa mère décédée, avec son ami qui bat sa maîtresse ou encore et surtout avec Marie lorsqu'elle lui demande de l'épouser : en effet, il lui répond que ça lui est égal. Enfin, pour revenir sur le titre du roman, on le comprend en regardant le comportement du narrateur. Comme il le dit lui-même durant son procès, il se sent comme étranger. En effet, ses émotions ou du moins le peu d'émotion qu'il ressent, sont incomprises par les gens. Étant passif à tout ce qui l'entoure, il ne s'intègre pas vraiment. Ainsi, il est marginalisé et donc étranger à cette nouvelle société. C'est seulement à la fin qu'il comprend tout cela, et que toutes les choses prennent de l'importance à ses yeux. J'avais déjà lu ce livre un an auparavant et la fin m'avait marquée. J'ai donc voulu le relire. Et j'ai encore aimé davantage. J'aime le retournement de situation entre le début et la fin du roman, la prise de conscience du personnage principal. J'ai apprécié aussi le caractère singulier de ce personnage qui, malgré tout ce qu'il fait, son manque de sensibilité et son indifférence, ne nous est pas antipathique. On se prend d'émotion pour cet homme qui lui, semble n'en ressentir aucune.
Écrit par : Adel-Hakim عادل-حكيم